Je suis né en Février 1960 dans un petit village du département de la Somme, dans la vallée de la Bresles. La Bresles, belle rivière qui serpente dans les prairies grasses et qui fut aussi d'une grande importance historique dans les temps reculés puisqu'elle a marqué la frontière entre la Picardie et la Normandie.
Dans ma jeune enfance, je voyais mon père partir à la chasse au gibier d'eau le long de cette rivière. Il partait à l'aventure dans des terres qui m'étaient inconnues, mais que je voulais découvrir.
C'est ce que je fis, à l'âge de 8 ans. J'ai profité de l'absence de mes parents, traversé les paturages qui me séparaient de ce fleuve inconnu et je l'ai découvert dans toute sa majesté et ses mystères. J'ai pris pour habitude de renouveler l'expédition dés que possible, repoussant sans cesse les limites de mon exploration, découvrant les méandres de la dame et ses petits ruisseaux affluents.
Cependant, mes explorations ne se limitaient pas au marais. Mes parents ont élu domicile dans une maison neuve qu'ils avaient fait construire pour abriter la fratrie. Des caisses renfermant du linge, des outils, des ustensiles et objets divers, souvenirs d'un passé révolu, ont été entreposées dans le grenier. Quel merveilleux terrain de jeu pour un jeune explorateur.
J'y ai fait la découverte d'objets militaires, souvenirs de la dernière guerre, mais surtout d'une petite valise de bois.......
A l'ouverture, de ce qui était pour moi un coffre contenant des trésors, je découvris une série de plioirs en bois. Chaque plioir présentaitt une quantité de fil transparent, un flotteur de différentes couleurs, des petites boules noires et un crochet..... Des lignes de pêcheur......
Il y avait là également, des crochets dans des petits sachets, des crochets triples de différentes tailles, des flotteurs, en abondance, de toute taille, du fil transparent enroulé sur des petites bobines de bois et surtout une multitude de crochets dissimulés dans des corps en caoutchouc représentant des vers, des sauterelles, des asticots, des mouches.....
Au fond de la boite, enroulé dans un papier journal, un livre. J'ai dévoré ce livre durant ma jeunesse. Il est devenu mon livre de chevet. Il s'agît de « Plaisirs de la Pêche » de Jacqueline de Chimay, édition Hachette Tout par l'Image, de 1962.
Je découvris également des perches de bambous qui s'emboitaient les unes dans les autres pour former une très longue perche, d'au moins 4 mètres. D'autres plus petites, avec des anneaux et un objet rond avec une manivelle ( que je pourrais identifier comme des moulinets, grâce au livre) complétaient la collection.
Je décidais de ramener ce trésor dans ma chambre et de le dissimuler sous mon lit. Ainsi, j'aurais tout loisir pour étudier mon butin et en définir les fonctions. Ce que je fis durant plusieurs semaines tout en gardant le secret de ma découverte. Je pris également une importante décision durant ce moment de réflexion. Mon père ne voulait pas de moi à la chasse, très bien, je serais pêcheur, et je ramènerai beaucoup de poissons à la maison, plus que lui ramène de gibier.
C'est ainsi que par un bel après-midi de septembre 1969, muni de quelques vers de terre, profitant de l'absence de mes parents et de mes soeurs, je prenais la direction de la rivière armé d'une canne en bambou et d'une ligne montée.
J'avais décidé de m'établir là ou un petit ruisseau se jette dans la rivière, il devait y avoir là de gros poissons qui m'attendaient, c'était marqué dans le livre. Sur place, j'emboite les trois brins de bambous, j'attache la ligne au scion grâce à un caoutchouc prélevé sur le bouchon d'une bouteille de bière de mon père, et enfin j'accroche un petit terreau sur l'hameçon.
Après avoir monté mon joli flotteur vert et rouge à environ 1 mètre 50 de l'hameçon, je mets la ligne à l'eau. Le bouchon se dresse, s'équilibre descend le courant. Rien. Je lève ma canne et replace le flotteur à son endroit initial. Encore rien. Je répète l'opération. Toujours rien.
Cependant, le temps passe et mes parents ne vont certainement pas tarder à rentrer. Il va falloir quitter les lieux. Soudain, je ne vois plus mon bouchon, si, il est là... Il remonte le petit ruisseau. Je lève ma canne doucement, c'est dur, il y a quelques chose au bout de la ligne, je ramène ma ligne en force et un poisson argenté apparaît. Il se décroche et tombe à mes pieds. Il est très beau. De grosses écailles argentées, un corps compact, de belles nageoires d'un rouge très vif. Pas de doute, c'est le roi de la rivière, un gardon.
Je le place dans la bourriche de métal et décide de remettre un terreau à l'hameçon. Hélas, il n'y a plus d'hameçon. Et je n'ai pas d'autre ligne. Il faut donc rentrer à la maison, mais en vainqueur.....
L'accueil de mon père ne fut pas celui que j'avais souhaité. Après une formidable « baffe », j'ai appris que la pêche était fermée, que je n'avais pas de permis, que j'étais inconscient de m'aventurer seul à la rivière, que je n'avais pas à fouiller dans les affaires du grenier, et que, au comble de tout, je devais inhumer mon poisson car ma mère n'aimait pas le gardon.
L'athmosphère, à mon endroit, fut encore lourde quelques temps. Mais, à Noël, je suis parvenu à obtenir ma première canne téléscopique ainsi que du fil neuf, et pour Pâques 1970, mon premier permis de pêche.