La pêche à la rousse.

À l'époque, j'avais à peine vingt ans. Alors que mes copains grillaient leur jeunesse au bistrot, j'usais ma solitude au bord de l'eau, me levant aux aurores et rentrant tard. La pêche occupait tous mes week-ends, mes soirées estivales et mes vacances.

Ce jour là, c'était un début de juillet, je m'étais rendu au Pont du Roi pour prendre quelques vairons qui feraient d'excellents vifs. Je pêchais dans la flotte jusqu'aux genoux lorsqu'elle est arrivée par le sentier des noisetiers. Elle s'est installée sur le petit bout de plage de la rive d'en face et a quitté sa robe pour dévoiler un maillot de bain noir qui tranchait avec sa peau claire. Elle s'est baignée un instant, juste de quoi se mouiller, avant de s'allonger sur sa serviette de bain et s'abreuver de clarté et de soleil.
Quand j'eus une dizaine de vairons, je suis remonté sur la rive et j'ai monté un vif sur une ligne à truite. J'ai parcouru la rive sur quelques centaines de mètres puis je suis revenu sur mes pas alors que le ciel encombré devenait menaçant. Durant mon parcours j'ai piqué deux truites. Lorsque j'ai atteint ma 104 Peugeot, la belle s'apprêtait à partir et les premières gouttes ont cliqueté sur mon capot. Quelques instants plus tard, le ciel se soulageait de sa pisse d'orage. J'ai jeté mon matériel dans le coffre et je me suis engouffré dans ma voiture.
Le chemin qui conduisait à la route était déjà détrempé et glissant lorsque j'ai aperçu ma baigneuse. Elle venait de laisser l'empreinte de son derrière dans la boue du chemin, loin de ses rêves d'hygiène. J'ai accéléré un peu pour me porter à sa hauteur et je lui ai fait signe de monter. Elle a hésité un instant avant de me remercier toute dégoulinante et boueuse. Tant pis pour le siège de ma Peugeot toute neuve !
Avant de redémarrer je l'ai regardée un instant et elle m'a souri. C'est seulement à ce moment-là que j'ai réalisé qu'elle était rousse, d'un roux flamboyant. Sa robe mouillée collait sur ses cuisses, sa poitrine et son ventre. Elle devait être proche de la quarantaine.
Je l'ai reconduite chez elle et elle m'a invité à prendre un verre. Elle venait d'arriver pour trois semaines de vacances et occupait une maison que lui prêtaient des amis.
Elle s'est intéressée à ma pêche, sans doute par politesse, car manifestement elle n'y connaissait rien. Lorsque j'ai parlé de mes truites, elle m'a proposé de les cuisiner et m'a prié de rester dîner avec elle. Après le repas, elle m'a servi un café puis s'est installée à côté de moi...
Elle était séduisante et je semblais ne pas la laisser indifférente... Nos désirs se sont percutés sans pudeur. Je l'ai revue régulièrement durant ses vacances, puis elle est repartie sans que je ne sache rien d'autre que son prénom et le fait qu'elle habitait en région parisienne où elle était journaliste.

Je ne l'ai jamais revue.